Benoist Perseval a 57 ans, marié, 2 enfants, dont l’un, Henry, travaille sur le domaine depuis un an et demi. Il a pour le moment le statut de salarié mais n’est pas encore installé. Benoist Perseval et sa femme, Isabelle sont vignerons sur 4 hectares de vignes.

Benoist, pouvez-vous vous présenter et présenter votre domaine pour nos lecteurs ?

Il y a eu au moins 4 générations de vignerons derrière nous. Mes parents étaient vignerons mais ils ne champagnisaient pas eux-mêmes, ils manipulaient en coopérative. Quand je suis arrivé sur le domaine en 1983, j’avais des terres non-plantées en appellation et j’ai bénéficié des droits de plantation, ce qui m’a permis de m’installer sur les 4 hectares de vignes. En 1988 j’ai décidé de commencer à vinifier par moi-même. La moitié de la superficie du domaine est plantée en chardonnay, ensuite 30% est plantée en pinot noir, 10% en meunier et 10% en cépages : petit meslier, arbanne et pinot gris. On a planté ces 3 derniers cépages en 2008 avec une première mise en bouteille en 2012 assemblés avec des chardonnays. Jusqu’en 2015 on n’avait pas assez de production pour faire un marc de ces 3 cépages c’est pourquoi on assemblait avec du chardonnay mais maintenant on fait un marc pour les 3 cépages uniquement.



Vigne enherbée Perseval Farge
Nous sommes situés à Chamery sur la Montagne de Reims à 10kms de Reims (schématiquement sur l’axe Reims-Epernay). La particularité géologique du secteur ce sont des sols à dominante sableuse en bas de coteaux, sables-argileux ou argiles-sableuses en milieu de coteaux et argile pure en haut de coteaux.

On produit entre 25 000 et 30 000 bouteilles par an. La particularité de la maison c’est d’avoir des vieux vins : notre stock est de 7 années de vente. La volonté à la maison est de faire vieillir au maximum les vins, c’est pourquoi nous avons encore des millésimes 2005 à la vente et on a encore en cave les millésimes 2004, 2006, 2008.

Vigneron, c’était une vocation pour vous, comment en êtes vous venu a gérer un domaine viticole ?
Pour moi ce n’était pas vraiment une volonté lorsque j’avais 20 ans, la profession de vigneron ne m’attirait pas plus que ça, j’étais plus attiré par le travail mécanique, les tracteurs… Le travail manuel de la vigne et du vin ne m’attirait pas fondamentalement. En fait, il y a eu un déclic, je ne sais pas trop pourquoi, certainement le fait de travailler en famille, d’avoir la noblesse de faire ça. Ensuite le virus du vin est arrivé au fil du temps : la vinification, je ne m’y connaissais pas du tout et mon père peu ; par contre je me suis beaucoup formé et informé pour arriver au style de champagne qu’on a aujourd’hui.

Isabelle, mon épouse, quant à elle, était infirmière. Elle en est venue au métier, pas par contrainte mais presque, et aujourd’hui elle est aussi vigneronne que moi ! Henry, notre fils a fait des études de viticulture-œnologie à Rouffach, en Alsace et il était très attentif aux mesures environnementales : le bio, la biodynamie, ça le chatouillait beaucoup. Ensuite il a travaillé dans une coopérative céréalière, ce qui a été très formateur pour lui, pour le travail en équipe surtout. Il est arrivé sur le domaine début 2019.

Quelle est votre ligne de conduite en viticulture et à la cave et pourquoi avoir choisi celle-ci?
Benoist et Henri Perseval
Nous sommes certifiés HVE depuis 2014 et en conversion bio depuis 2019. La notion environnementale et la préservation du milieu, c’est quelque chose qui m’a toujours touché ; un exemple : on a commencé à enherber nos vignes dans les années 1990 et on était plutôt précurseurs en la matière. Ensuite ça va au-delà de la préservation de l’environnement c’est aussi la préservation du patrimoine.

Je pars également du principe que le vin nait à la vigne, c’est quelque chose que je dis très souvent. Si on veut faire du bon vin il faut avant tout avoir un vignoble irréprochable. Je suis de cette génération où on a beaucoup entendu parler de techniques œnologiques correctives mais pour moi ça n’a jamais été mon « dada ». J’étais persuadé que le vin naissait à la vigne donc j’ai toujours été vigilant sur la qualité du raisin, c’est indispensable pour moi.

Pour la partie œnologique, je suis plutôt minimaliste dans mes interventions. Je n’ai jamais pratiqué les passages au froid ni la filtration, qui pour moi sont un peu trop brutaux pour les vins. Je m’autorisais malgré tout un collage, chose que j’ai abandonnée depuis 4 ans maintenant. Je ne me refuse pas l’utilisation de SO2, je n’ai pas encore passé le cap à faire des vinifications sans soufre. Ce n’est pas une préoccupation aujourd’hui pour moi, par contre je travaille au maximum avec des soutirages à l’abri de l’air ; je privilégie des vieillissements sur lies fines et des élevages en fût ou en cuve sur une période assez longue.

Qu’est ce qui vous fait le plus vibrer dans votre métier ?
Alors il y a 3 choses qui me font vibrer :

Déjà la taille : c’est ce qui va conditionner le volume de raisins, la charge de raisins et tout simplement le 1er levier qualitatif.
La deuxième, c’est la vinification et surtout les dégustations des vins.
La troisième chose qui me fait vibrer, c’est échanger avec les clients ou les gens de passage pour parler de mon métier.
Ensuite, il y a plein de choses qui sont passionnantes mais en résumé ce sont ces trois points là qui m’apportent le plus.

Comment décriveriez vous le style de vos champagnes ?
J’aime bien les vieux vins, le vin correspond souvent au tempérament du vigneron et surtout à ses préférences en général. J’aime les champagnes matures mais malgré tout, je qualifierais nos champagnes d’assez toniques, frais, gourmands et pour certaines cuvées un peu dentelle.

Au niveau commercialisation, quels sont vos principaux canaux de vente ?
Les particuliers représentent environ 30% de notre volume. Il y a 10 ans encore c’était la totalité de nos ventes. Le canal pro représente 70% avec des cavistes, un groupement de vignerons dans lequel on est, et l’export. On est présent en Europe (beaucoup l’Italie, l’Espagne, la République-Tchèque, la Belgique, la Suisse, un peu le Danemark et un peu la Suède également) aussi aux Etats-Unis, au Japon et en Corée, au Canada et en Australie. (40% de nos volumes à l’export)

Quelle est votre cuvée préférée parmi les champagnes de votre production et pourquoi ?
Ma cuvée préférée aujourd’hui c’est le Millésime 2005, c’était un millésime pas facile 2005 car on avait des raisins plutôt sur-matures avec un niveau de pourriture assez élevé et on a un vin sur des notes plutôt oxydatives ; pourtant cela reste encore frais, on n’a pas cette mollesse qu’on pourrait avoir sur des millésimes très murs. Mais quand il fera très chaud cet été, j’apprécierai moins celui-ci car il est un peu confit. Je préfèrerai la Cuvée Terre de Sable, un assemblage des 3 cépages : pinot noir, meunier et chardonnay ou la Cuvée C. de Chardonnay un blanc de blancs bien rafraichissant.

Pour finir, Un conseil pour un accord met-champagne pour les retrouvailles post-confinement ?
J’aime bien le C de Chardonnay qui est un champagne mis en bouteille en 2012 et qui est déjà très mûr, je l’aime bien sur un poisson en sauce, notamment sur un Bar avec une crème en sauce. Le coté onctueux du bar se marie très bien avec notre chardonnay qui est un peu confit.